Étude > Homosexualité
Jésus et l'homosexualité
Avant-propos
Ambiance
France, fin des années 1960 : Il faut libérer la parole et les corps de l'oppression bourgeoise réactionnaire[n1]. La révolution sexuelle est en marche, dans l'hexagone comme un peu partout en Occident. Sus aux interdits : inceste, pédophilie, amour libre, homosexualité, etc. Dans tout ce bouleversement sociétal, les divisions des Églises en matière d'éthique se manifestent : en 1971, la Fédération Protestante de France prend position pour une légalisation de l'avortement[n2], ce qui n'est pas le cas d'autres protestants[n3]. Pour ce qui concerne les minorités sexuelles, dès le milieu des années 1980, l'opinion publique se retourne radicalement contre les défenseurs de l'inceste et de la pédophilie[n4] avec qui le mouvement homosexuel faisait jusque-là cause commune[n5]. Mais, comme en témoignent l'adoption du PACS (pacte civil de solidarité) en 1999 et la redéfinition du mariage en 2013, le mouvement gay s'en remit et son impact sur les milieux artistiques, médiatiques[n6] et politiques[n7] contribua et contribue encore au changement des mentalités en sa faveur. Là aussi se divisent les théologiens, entre qui résiste au mouvement et qui l'accompagne : la pratique homosexuelle est-elle à bénir dans l'Église (Gay Pride) ou est-elle à bannir de l'Église ? Sans ignorer le contexte des débats actuels, c'est principalement sur l'ambiance du premier siècle chrétien que nous nous arrêterons. D'où le titre : Jésus et l'homosexualité.
Nature - Liberté
Les mouvements homosexuels se sont imposés aux sociétés occidentales en s'appuyant sur les deux idoles
antagonistes de l'humanisme philosophique : Nature et Liberté[n8].
Nature : Dès l'année 1973 est obtenu un vote de l'American Psychological Association (A.P.A.) reconnaissant que le comportement hétérosexuel comme le comportement homosexuel sont tous deux des aspects normaux de la sexualité humaine
[n9]. C'est ainsi qu'au nom de la santé publique, sont exigées l'égalité des droits civiques et la condamnation de toute discrimination[n10]. On observera que ce même fondement d'un comportement normal
, non choisi
, est avancé aujourd'hui par la cause pédophile[n11] ou par la cause dite polyamoureuse[n12], c'est-à-dire ouverte à la pluralité de relations amoureuses homo ou hétérosexuelles, unions polygames incluses (polygynie, polyandrie).
Liberté : A partir de 1975, explique Marc Opitz... les « mouvements de libération » des homosexuels... recoururent à la notion de gender* (genre en français) pour essayer de montrer que la sexualité en général est une construction idéologique échappant à toute réalité anatomique. Le concept d'homosexualité fut même récusé au profit d'une revendication de type identitaire et communautariste. D'où la création d'un vocabulaire militant définissant des catégories favorables ou hostiles aux pratiques homosexuelles : homophobie, hétérosexisme, homophilie, etc. Par la suite la notion de gender se généralisa, notamment chez les féministes pour affirmer que le sexe est toujours une construction culturelle, un « gender » sans rapport avec la différence biologique. D'où l'idée que chaque individu peut changer de sexe selon le genre ou le rôle qu'il s'assigne lui-même pour sortir de l'assujettissement que lui impose la société.
[n13]
D'un côté, la Liberté est dépréciée et la Nature s'impose. Certains n'hésitent d'ailleurs pas à plaider la cause homosexuelle en invoquant la présence de l'homosexualité dans le règne animal. Or ce genre d'invocation naturaliste est bien aventureux si l'on observe que les pratiques sexuelles du bonobo, par exemple, comprennent non seulement la bisexualité, mais des actes assimilables à la pédophilie et au viol, ou si l'on note encore que d'autres pratiques animales comme l'infanticide ou le cannibalisme ne seraient pas jugées souhaitables de nos jours[n14]. De l'autre côté, la Nature est dépréciée et la Liberté s'impose : la liberté d'orientation sexuelle dénie toute prise en considération de la nature sexuée des individus. Or on voit mal, dans ces conditions, pourquoi la Liberté serait limitée par des considérations naturelles comme le nombre (polyamour) ou l'âge (pédophilie) des partenaires, par exemple.
Nous pouvons constater, en effet, qu'au sein de la sphère spirituelle
de l'humanisme, les mêmes principes de normalisation des conduites homosexuelles sont invoqués pour les conduites pédophiles[n15] et polyamoureuses[n16], ce qui ne devrait pas laisser indifférents les défenseurs de telles pratiques sexuelles en d'autres sphères spirituelles
comme, par exemple, celles de Mahomet[n17] ou du Dalaï Lama[n18]. Pour rester cependant sur le seul sujet des conduites homosexuelles, le Dieu de la Bible s'accorderait-Il sur ce point, au moins formellement, avec les Déesses de l'Occident moderne ? À défaut d'unanimité dans le christianisme contemporain, un retour au premier siècle peut s'avérer utile.
Anachronisme ?
Ce n'est qu'en 1868 et 1869 que le Hongrois Karl-Maria Kertbeny a forgé les mots allemands homosexual puis homosexualität : Quel anachronisme, diront certains, que de vouloir associer un personnage du passé - Jésus - à une réalité moderne ! Remarquons premièrement que l'usage du vocabulaire peut être souple : les mots "homme" et "femme" peuvent désigner les deux sexes humains (continuité) même si leur définition n'est pas la même chez Aristote et chez Moïse, par exemple (discontinuité). Remarquons ensuite que l'invention d'un mot ne correspond pas forcément à l'irruption d'une réalité radicalement nouvelle, sans continuité aucune avec ce que l'on pouvait connaître et percevoir auparavant sous d'autres termes. Un exemple, le mot Trinité : il a été inventé par Tertullien pour synthétiser un enseignement présent dans la Bible, selon l'orthodoxie chrétienne. Alors, sans doute, Jésus n'a pas entendu parler des noms que se donnent aujourd'hui des personnes de même sexe qui couchent ensemble : Lesbiennes, Gays, Bisexuel(le)s, Transgenres (L.G.B.T.) ; mais il n'ignorait pas la législation de Moïse à ce propos : Tu ne coucheras point avec un homme comme on couche avec une femme. C'est une abomination
(Lévitique 18.22) ; Si un homme couche avec un homme comme on couche avec une femme, ils ont fait tous deux une chose abominable ; ils seront punis de mort : leur sang retombera sur eux
(Lévitique 20.13).
Sources bibliques
Si l'on s'en tient à la lettre du titre, le débat est encore sans objet. En effet, le vocabulaire de l'homosexualité n'apparaît dans aucun des propos de Jésus rapportés dans les Évangiles. Mais le débat s'ouvre quand l'on note que, dans ces mêmes textes, Jésus lie à lui-même et les écrits de l'Ancien Testament (Matthieu 5.17) et l'enseignement de ses apôtres, c'est-à-dire de ses ambassadeurs (Matthieu 16.19 ; 18.18 ; 28.16-20). C'est ainsi que les jeunes communautés chrétiennes durent maintenir leur profession du Dieu de Moïse comme Père du Seigneur Jésus (Hébreux 1.1) à l'encontre de ceux opposant le Dieu de Moïse à Celui du Christ. Dans la mouvance gnostique du 2e siècle (après J.C.), Marcion avait en effet entrepris d'expurger des textes reçus par l'Église primitive tout ce qu'il considérait comme référence vétéro-testamentaire, à commencer par l'Ancien Testament. Nous nous en tiendrons donc au corpus biblique reçu comme autorité commune à toutes les confessions chrétiennes dans l'histoire de l'Église (Sola Scriptura - Tota Scriptura).
Jésus en son siècle
Proche-Orient
Depuis la prise de Jérusalem par Pompée, en 63 avant Jésus-Christ, les autorités du Proche-Orient sont placées sous le contrôle du gouverneur de la province romaine de Syrie et doivent payer un tribut à Rome. En l'an 6 de notre ère, ce sont trois fils d'Hérode le Grand qui administrent la région : Hérode Antipas comme tétrarque de Galilée et Pérée, Philippe comme tétrarque au Nord de la Pérée (Auranitide, Batanée, Gaulanitide, Iturée, Trachonitide) et Archélaüs comme ethnarque d'Idumée, Judée et Samarie. Sur plainte des Juifs et des Samaritains, Rome dépose ce dernier et fait de son territoire la province de Judée, qu'elle confiera dès lors à un préfet : Coponius (6-9), Marcus Ambibulus (9-12), Annius Rufus (12-15), Valerius Gratus (15-26), Ponce Pilate (26-36). Dotée d'une large compétence en matières militaires, financières et judiciaires, l'administration romaine compose avec l'autorité qu'elle reconnait au Sanhédrin d'assurer l'ordre public, principalement civil et religieux, pour l'ensemble des Juifs de l'Empire. Dans la pratique, les gouverneurs ne se privent pas de choisir à leur guise les grands prêtres - ainsi, Gratus nomma Caïphe en 18, après avoir déposé son beau-père, Anne (6-15) - ; dans certains cas, ils savent aussi fermer les yeux sur l'exécution d'une sentence de mort, alors qu'en principe, le droit de vie ou de mort (jus gladii) est leur prérogative.
L'ordre du jour
En ce début du premier siècle, ce qui, en matière de sexualité, divise les sages et autres spécialistes de la Loi juive n'est pas l'homosexualité. Ce n'est pas l'adultère non plus : Jésus le condamne de manière radicale (Matthieu 5.27-30) ; ce n'est pas plus l'inceste : Jean-Baptiste dénonce la relation d'Hérode avec Hérodias, femme de son demi-frère (Lévitique 18.16 et 20.21) - elle obtiendra sa condamnation à mort (Matthieu 14.1-12) -. La question qui divise est le divorce et, plus exactement, les motifs légitimes de divorce. En effet, dans la Loi, Moïse écrit :
Lorsqu'un homme aura pris et épousé une femme qui viendrait à ne pas trouver grâce à ses yeux, parce qu'il a découvert en elle quelque chose de honteux (ervath dabar), il écrira pour elle une lettre de divorce, et, après la lui avoir remise en main, il la renverra de sa maison. Elle sortira de chez lui, s'en ira, et pourra devenir la femme d'un autre homme... (Deutéronome 24.1-2)
Chez les Pharisiens, deux écoles (deux maisons) s'opposent sur de nombreux sujets. Ainsi, pour la maison de Shammaï, le motif du divorce doit être grave ; pour la maison de Hillel, le motif peut être trivial. C'est dans ce contexte polémique que se situe l'échange suivant (Matthieu 19.1-9) :
Les pharisiens l'abordèrent [Jésus] et dirent, pour l'éprouver : Est-il permis à un homme de répudier sa femme pour un motif quelconque ? Il répondit : N'avez-vous pas lu que le créateur, au commencement, les fit mâle et femelle [Genèse 1.27] et qu'il dit : C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair [Genèse 2.24] ? Ainsi, ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair. Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint. Pourquoi donc, lui dirent-ils, Moïse a-t-il prescrit de donner à la femme une lettre de divorce et de la répudier [Deutéronome 24.1-2] ? Il leur répondit : C'est à cause de la dureté de votre coeur que Moïse vous a permis de répudier vos femmes ; au commencement, il n'en était pas ainsi. Mais je vous dis que celui qui répudie sa femme, sauf pour infidélité, et qui en épouse une autre, commet un adultère.
Ce qu'il convient de souligner ici, c'est que
- Jésus refuse de discuter du divorce comme d'une disposition du mariage : c'est une concession due à
la dureté [du] coeur
humain. D'ailleurs, si l'on ne tronque pas le propos de Moïse, c'est pour écarter la légèreté d'une telle décision qu'il légifère (Deutéronome 24.2-4). - Jésus dénonce comme adultère l'homme qui, suivant les règles formelles, s'est remarié après avoir divorcé, mais sans que sa première épouse ait été coupable d'immoralité sexuelle (pornéia ; cf. Matthieu 5.31-32)[n19]. Si l'immoralité sexuelle recouvre des fautes que la loi de Moïse sanctionnait par la peine de mort et non par un divorce, le mariage suite à divorce hors cas de pornéia est dénoncé comme adultère. Loin de bénir cette seconde union, Jésus démasque un adultère passible de la mort éternelle (cf. Matthieu 5.27-30).
- Jésus fait rappel des bonnes dispositions prises par Dieu au commencement (Genèse 1-2), avant que le coeur de l'homme ne devienne tortueux (Genèse 3). Là est évoqué le dessein de Dieu pour l'homme et la femme et les enfants. Il convient donc de s'y arrêter, comme Jésus, comme Paul.
Au commencement
Première tablette (Genèse 1.27s) : Dieu créa l'homme en son image, il le créa en image de Dieu, il les créa homme et femme. Dieu les bénit et leur dit : Soyez féconds, multipliez, remplissez la terre et assujettissez-la ; et dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui se meut sur la terre.
Deuxième tablette (Genèse 2.7, 18-24) : L'Éternel Dieu forma l'homme de la poussière de la terre, il souffla dans ses narines un souffle de vie et l'homme devint une âme vivante (...) L'Éternel Dieu dit : Il n'est pas bon que l'homme soit seul ; je lui ferai une aide semblable à lui. L'Éternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l'homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant porte le nom que lui donnerait l'homme. Et l'homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs ; mais, pour l'homme, il ne trouva point d'aide semblable à lui. Alors l'Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit ; il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. L'Éternel Dieu forma une femme de la côte qu'il avait prise de l'homme et il l'amena vers l'homme. Et l'homme dit : Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair ! on l'appellera femme, parce qu'elle a été prise de l'homme. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et ils deviendront une seule chair.
Ce que l'on peut déjà noter dans ces textes, c'est que
- l'être humain est créé sexué (mâle ou femelle, pour reprendre le langage très cru du texte hébreu) ;
- l'homme et la femme sont égaux (tous deux
en image de Dieu
;os de mes os et chair de ma chair
) ; - la distinction homme - femme est ordonnée : la femme est pour l'homme.
Le poids de l'originel
Pour répondre à la question des Pharisiens sur les motifs de divorce, Jésus renvoie ses interlocuteurs à la volonté de Dieu pour l'être humain à l'origine (Genèse 1-2). C'est cette union originelle d'un mâle
et d'une femelle
que Dieu a instaurée et bénie. Ce faisant,
- Jésus distingue les dispositions créationnelles, au commencement (Genèse 1-2), de la situation inaugurée par la révolte humaine (Genèse 3) et dans laquelle Moïse légifère. C'est dans une société qui admet notamment la polygamie et le divorce que Moïse régule ce dernier en imposant au mari la rédaction d'une lettre de divorce et l'interdiction de se remarier à sa femme divorcée, si celle-ci est redevenue libre après avoir connu un autre homme (Deutéronome 24.1-4).
- Jésus oppose l'institution créationnelle de l'union de l'homme et de la femme -
ils deviendront une seule chair
(Genèse 2.24) - à sa mise à mal par l'homme (cf. Malachie 2.14-16) :Que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint
(Matthieu 19.6). S'il tolère le divorce, c'est seulement quand l'unité sexuelle de l'homme et de la femme -une seule chair
- est déjà mise à mal par une immoralité d'ordre sexuel (pornéia) (cf. note 19).
En remontant au commencement
, Jésus impose un retour à l'union monogame originelle entre un homme et une femme. Ainsi, celui qui répudie sa femme, sauf pour infidélité, et qui en épouse une autre [n'est pas bigame ou polygame mais] commet un adultère
(Matthieu 19.9)[n20]. C'est à l'aune de l'institution originelle du mariage qu'il mesure l'écart entre ce que Dieu veut et ce à quoi l'homme se livre, quelle que soit la déviance sexuelle pratiquée : adultère, inceste, homosexualité, bestialité, etc.
Égalité et ordre
Dans son récit de Genèse 2, l'auteur souligne l'inachèvement de la création en l'absence de compagne pour l'homme : L'Éternel Dieu dit : Il n'est pas bon que l'homme soit seul [- fort contraste avec les
Or, au lieu de nous montrer Dieu suscitant cette c'était bon
de Genèse 1 -] ; je lui ferai une aide semblable à lui.aide
dans la foulée, l'auteur fait un détour : L'Éternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel, et il les fit venir vers l'homme, pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant porte le nom que lui donnerait l'homme. Et l'homme donna des noms à tout le bétail, aux oiseaux du ciel et à tous les animaux des champs ; mais, pour l'homme, il ne trouva point d'aide semblable à lui.
Comme Dieu, en Genèse 1, l'homme exerce ici son autorité par la parole sur la création : il nomme les animaux. Or une créature ne peut lui être présentée : lui-même. Alors l'Éternel Dieu fit tomber un profond sommeil sur l'homme, qui s'endormit ; il prit une de ses côtes et referma la chair à sa place. L'Éternel Dieu forma une femme de la côte qu'il avait prise de l'homme et il l'amena vers l'homme. Et l'homme dit : Voici cette fois celle qui est os de mes os et chair de ma chair ! on l'appellera femme, parce qu'elle a été prise de l'homme.
En créant la femme, Dieu donne à l'homme un alter ego qui le représente en tant que créature en vis-à-vis de son Créateur. Si l'homme magnifie Dieu dans sa souveraineté sur le monde, la femme magnifie l'homme dans sa dépendance de Dieu. Dans le langage de l'apôtre Paul, l'homme... est l'image et la gloire de Dieu, tandis que la femme est la gloire de l'homme
.
Comme Jésus, Paul a en effet médité sur ce rapport d'égalité et d'ordre en Genèse 1-2 (et sur sa mise à mal en Genèse 3) et veut le voir respecté dans l'Église. Or, s'il s'oppose à la suppression de l'ordre par l'identité - abolition de la différence - dans des comportements de type "féministe" (cf. 1 Corinthiens 11.7-12 ; 1 Timothée 2.8-15), on peut difficilement s'attendre à le voir admettre une suppression de l'ordre par l'identité dans des comportements de type "homosexuel" (cf. 1 Corinthiens 6.9 ; 1 Timothée 1.10 ; Romains 1.26-28[n21]). Comme le couple gloire de Dieu
- gloire de l'homme
inscrit dans l'humanité la relation originelle entre Dieu et l'homme, l'union homosexuelle, c'est-à-dire entre mêmes (Romains 1.26-27), est perçue comme une manifestation de l'idolâtrie, c'est-à-dire du rejet de l'altérité créationnelle (Romains 1.18-32)[n22].
Disciples
Pécheur
Selon Paul, la colère de Dieu se manifeste sur l'humanité en révolte contre Lui en ce qu'Il la livre à sa propre folie : C'est pourquoi Dieu les a livrés à l'impureté, selon les convoitises de leurs coeurs (...), à des passions infâmes (...), à leur sens réprouvé, pour commettre des choses indignes...
(Romains 1.24, 26, 28). Tout l'argument de l'apôtre est de montrer que tous, Juifs et Grecs, sont sous l'empire du péché
(Romains 3.9), que tout le monde [est] coupable devant Dieu
(Romains 3.19), que tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu
(Romains 3.23). La bonne nouvelle, c'est que, pour grâcier des pécheurs, Dieu a offert lui-même la victime qui porterait la condamnation de quiconque se confierait en elle (Romains 3.21-26 ; 5.6-11). Et l'apôtre n'hésite pas à témoigner de son cas personnel : moi qui étais auparavant un blasphémateur, un persécuteur, un homme violent... j'ai obtenu miséricorde (...) C'est une parole certaine et entièrement digne d'être reçue, que Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier
(1 Timothée 1.12-16).
Discipline
Pour Jésus et ses apôtres, comme pour Jean-Baptiste, l'urgence est la repentance du pécheur en vue du royaume des cieux (Matthieu 3.2 ; 4.17) ; leur mission, inciter leurs contemporains à fuir la colère de Dieu et la mort éternelle (Matthieu 3.7 ; 5.22, 29 ; 7.13-14, 21-23) :
Ne savez-vous pas que les injustes n'hériteront point le royaume de Dieu ? Ne vous y trompez pas : ni les débauchés, ni les idolâtres, ni les adultères, ni les efféminés, ni les homosexuels, ni les voleurs, ni les cupides, ni les ivrognes, ni les outrageux, ni les ravisseurs, n'hériteront le royaume de Dieu. Et c'est là ce que vous étiez, quelques-uns d'entre vous (1 Corinthiens 6.9-11).
C'est là ce que vous étiez
, comme le sont certaines de vos connaissances, dit Paul aux chrétiens de Corinthes (1 Corinthiens 5.9-10 ; 6.11), mais c'est là ce que vous ne devez plus être :
Maintenant, ce que je vous ai écrit, c'est de ne pas avoir de relations avec quelqu'un qui, se nommant frère, est débauché, ou cupide, ou idolâtre, ou outrageux, ou ivrogne, ou ravisseur, de ne pas même manger avec un tel homme. Qu'ai-je, en effet, à juger ceux du dehors ? N'est-ce pas ceux du dedans que vous avez à juger ? Pour ceux du dehors, Dieu les juge. Ôtez le méchant du milieu de vous (1 Corinthiens 5.11-13).
Ce que l'on peut noter ici, c'est que Paul distingue ceux qui se disent frère[s]
, ceux du dedans
, de ceux du dehors
. Dans cette circonstance, l'apôtre ne s'adresse pas à n'importe quel habitant de Corinthes mais aux chrétiens de cette ville, à des gens censés savoir que les pécheurs impénitents n'hériteront pas le royaume de Dieu (cf. Matthieu 7.21-23). Or il constate qu'au lieu d'exclure de ses rangs les personnes dont la conduite n'est pas digne de la repentance, cette Église se glorifie de les inclure en son sein (cf. 1 Corinthiens 5.1-2).
Amour
Comme observé plus tôt (cf. L'ordre du jour), l'un des débats qui animait le monde juif, au début du premier siècle, fut celui du divorce et de ses motifs. Bien avant nos divorces modernes par consentement mutuel, les simples motifs d'affection et de désaffection pouvaient suffire. Ainsi, pour rabbi Akiva, né dans les années 40 après J.C., le seul fait de trouver une femme plus plaisante que sa femme était un motif légitime de divorce pour se remarier. Or Jésus est très loin d'entonner ce refrain de la légitimation par l'amour (Marions-les, puisqu'ils s'aiment !
) : celui qui divorce pour l'amour d'une autre femme commet un adultère ; celui qui, comme Hérode, épouse la femme de son demi-frère commet un inceste. Pour Jésus, la question du divorce ne peut être abordée que de manière négative : c'est une concession liée aux mauvaises dispositions du coeur humain (Genèse 3) ; c'est une disposition opposée à l'intention originelle du Créateur, dans son union d'un homme et d'une femme (Genèse 1-2 ; cf. Le poids de l'originel).
En renvoyant ses interlocuteurs à l'enseignement positif de l'Écriture sur les dispositions prises par le Créateur pour l'homme et la femme au commencement, Jésus exprime l'actualité de l'intention originelle de Dieu envers ces deux êtres : que l'homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint
. De fait, sont exclues toutes autres unions que l'originelle, qu'elles soient, par exemple, de type polygame, antérieurement toléré, ou homosexuel, antérieurement proscrit. Comme son Seigneur, Paul méditera sur le mariage des deux sexes de l'humanité en Genèse 1-2 et soulignera l'alliance ordonnée que représente l'union de l'homme (gloire de Dieu
) et de la femme (gloire de l'homme
) (cf. Égalité et ordre). Il donnera d'ailleurs une autre alliance ordonnée comme modèle à suivre par les époux chrétiens : l'union du Christ à l'Église (cf. Éphesiens 5.22-33).
Ainsi rapportées à l'intention originelle du Créateur, les pratiques homosexuelles et, a fortiori, les unions modernes entre personnes du même sexe, véhiculent de fait un message spirituel, mais tout autre que celui de l'union entre le mâle
, gloire de Dieu
, et la femelle
, gloire de l'homme
. Au lieu d'incarner, par la différence des sexes, l'inégalité créationnelle entre Dieu et l'homme (Genèse 1-2), elles incarnent, par l'identité de sexe, l'effacement de la distinction Créateur-créature (Genèse 3), la confusion entre l'homme et Dieu (cf. Genèse 3.4-5). On imaginerait donc mal Jésus ou Paul invoquer le nom de Dieu sur une union, non seulement autre que celle bénie par Dieu au commencement, mais aux couleurs de la révolte humaine contre Lui (Exode 20.7 ; Deutéronome 5.11).
T.P., 22 août 2013
_______
1.Martine Fournier, Mai 1968 et la libération des moeurs
'', article en ligne publié le 10.04.2008.
2. Prise de position de la Fédération Protestante de France sur le problème de l'avortement
, article du site www.protestants.org
- la page n'est plus disponible en ligne ce jour : 15/10/2022.
3. Henri Blocher, Critique de quelques arguments permissifs dans le débat sur l'avortement
, Ichtus n° 42-1974.
4. Anne-Claude Ambroise-Rendu, Un siècle de pédophilie dans la presse (1880-2000) : accusation, plaidoirie, condamnation
, par Anne-Claude Ambroise-Rendu, article du site www.cairn.info
disponible en ligne ici.
5. Jean-Claude Guillebaud, La Tyrannie du plaisir (Paris : Éditions du Seuil, 1998), p. 22.
6. Louis Schweitzer, L'homosexualité et l'Église
(Les cahiers de l'école pastorale ; cahier HS n° 4 - 4e trimestre 2002) § Une société en évolution
- article disponible en ligne ici -.
7. Vincent Peillon, Ministre de l'éducation nationale, à Paris, le 04 janvier 2013, lettre aux rectrices et recteurs : Le gouvernement s'est engagé à "s'appuyer sur la jeunesse pour changer les mentalités", notamment par le biais d'une éducation au respect de la diversité des orientations sexuelles.
Lettre en ligne ici.
8. cf. Herman Dooyeweerd (La revue réformée 1959/3), pp. 48-63 La base religieuse de la philosophie humaniste
.
9. A.P.A. : Answers to Your Questions For a Better Understanding of Sexual Orientation & Homosexuality
(pamphlet disponible en ligne ici).
10. Organisation Mondiale de la Santé (O.M.S.), Bureau régional de l'Europe, Mettre fin à la discrimination contre les hommes et les femmes homosexuels
(article du 17 mai 2011 ; n'est plus disponible en ligne ce jour).
11. B4U-ACT - Statement on Misinformation
du 29/08/2011 disponible en ligne ici - : all people should recognize that no one chooses to be attracted to children
.
12. John Cook, Will polyamory follow same-sex marriage?
(Mercatornet.com, 7 août 2013 - disponible en ligne ici -). Sous-titre : The reasoning is the same; the rewards are the same. Why not?
13. Marc Opitz, Approche psychanalytique de la question homosexuelle
in Les cahiers de l'école pastorale, cahier hors série n° 4 (4e trimestre 2002) - disponible en ligne ici -.
14. James Owen in London for National Geographic News, July 23, 2004 : Homosexual Activity Among Animals Stirs Debate
- disponible en ligne ici -.
15. Médiapart / Par Dominique Ferrières : Les pédophiles réclament les mêmes droits que les homosexuels
(14 novembre 2012) - la page a depuis été retirée du site. Autres liens trouvés en 2018 : pour le même article - en ligne ici -, pour un article de Jack Minor (traduit) du site Northern Colorado Gazette 3 Juillet 2011 - en ligne ici -.
16. À titre d'exemple, le site Full Marriage Equality
sous-titré Advocating for the right of consenting adults to share and enjoy love, sex, residence, and marriage without limits on the gender, number, or relation of participants. Full marriage equality is a basic human right.
- disponible en ligne ici -.
17. On notera que, dans sa trajectoire personnelle, Mahomet est passé de la monogamie avec Khadîja, sa première femme, à la polygamie, pédogamie incluse : à sa mort, il laissera neuf veuves, dont Aïcha, avec qui il consomma son mariage trois ans après l'avoir épousée à l'âge de six ou sept ans. Cf. le site Clio
/ Anne-Marie Delcambre : Mahomet et les femmes
(mai 2002) - disponible en ligne ici - ou encore le site IslamHouse.com
(Maroc) : Quelques fatwas sur la polygamie''
- disponible en ligne ici -.
18. Lama Shree Narayan Singh, Child abuse in Tibetan Buddhist Monasteries
- disponible en ligne ici -.
19. Comme il est question d'immoralité sexuelle et non pas d'adultère, peut-être est-il fait ici référence au cas de divorce envisagé par Joseph voyant sa fiancée enceinte et considéré favorablement par Matthieu qui le relate (1.19).
20. ...Is polygamy allowed by the New Testament?
Answer by Glenn Miller, July 23, 1999 - Article en ligne ici -.
21. Voir l'article de Jacques Buchold, L'homosexualité, les données du Nouveau Testament et leur contexte
in Les cahiers de l'école pastorale, cahier hors série n° 4 (4e trimestre 2002) - disponible en ligne ici -.
22. Henri BLOCHER, Révélation des Origines, Le début de la Genèse (Collection théologique Hokhma ; Lausanne (Suisse) : Presses Bibliques Universitaires, 1979), p. 97.