4 = 3 + 1 :
L'inanimé
En observant la distinction inanimé (jours I à IV en 207 mots) - animé (jours V et VI en 206 mots), élaborée à partir des données du verset 1.2 (chaos - Esprit de Dieu), une autre structuration a déjà été évoquée dans la première moitié du texte (cf. § 6 = 4 + 2). Si les trois premiers jours s'articulent sur l'avant-propos (1.2) en intégrant dans l'oeuvre les éléments du chaos - ténèbres (jour I), eaux (jour II), terre (jour III) -, le jour IV s'articule sur les trois premiers en y ajoutant les astres : 4 = 3 + 1. Le rapport entre 1.2 et 1.3-31 s'adapte à un rapport interne à 1.3-31.
1.1 Au commencement, Dieu créa les cieux et la terre. |
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1.2 Or la terre était informe et vide |
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1.3-31 six jours | |
JOUR I :Et Dieu dit...L'alternance jour - nuit est présentée comme la séparation entre la lumière advenue et l'obscurité à la surface de l'abîme. |
JOUR IV :Et Dieu dit...Pour séparer jour-lumière et nuit-obscurité (jour I), pour gouverner sur le jour et la nuit (jour I), pour servir de repères temporels (jour I), l'étendue des cieux (jour II) est garnie de luminaires faits également pour éclairer la terre (jour III). |
JOUR II :Et Dieu dit...A partir de l'abîme aqueux, la séparation entre les eaux d'en haut et celles d'en bas[1] est liée à une étendue : les cieux. |
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JOUR III :Et Dieu dit...La distinction terre - mers est présentée comme l'apparition du sec par retrait des eaux d'en bas. Et Dieu dit...Puis la terre se couvre de végétation (herbe, arbres...). |
Notons déjà que, dans les trois premiers jours, Dieu suscite et nomme : Dieu appela la lumière "jour", et l'obscurité, il appela "nuit"
(1.5 - Jour I), Dieu appela l'étendue "cieux"
(1.8 - Jour II), Dieu appela "terre" le sec, et l'amas des eaux il (l')appela "mers"
(1.10 - Jour III). Une nomination qui se limite à ces trois jours et à la prise en compte des éléments du chaos de 1.2.
Alors que l'auteur débute ses trois premiers jours par une parole liée à l'un des éléments du chaos, il ajoute une quatrième parole, le Et Dieu dit...
du jour III, pour une création supplémentaire et sans rapport explicite avec le verset 1.2, la végétation. Une création surabondante qui semble inscrite ici pour marquer la fin de l'oeuvre des trois jours. L'ajout d'une unité après une série de trois (4 = 3 + 1) sert très souvent à souligner la complétude, comme on le voit encore avec le jour IV, qui conclut les 207 mots consacrés à l'inanimé - cf. Amos 1-2[2] ou Proverbes 30[3] -.
Comme l'illustre le schéma précédent, le jour IV est élaboré à partir des données des jours I à III et non directement sur celles du verset 1.2. Les astres et leurs fonctions sont rapportées à la situation dépeinte aux jours précédents. Que ce soit dans cette première moitié du récit (jours I à IV) ou dans la seconde (jours V et VI), l'auteur commence logiquement par présenter une situation avant d'exposer en conclusion le rôle qu'y jouent des êtres particuliers[4] : au sein de l'inanimé, les astres dans les cieux ; au sein de l'animé, l'homme sur la terre. On observera qu'il a déjà procédé ainsi au verset 1.2 en présentant d'abord la situation (or la terre était vague et vide, et l'obscurité (couvrait) la face de l'abîme...
) puis ce qu'y fait Dieu (... et l'Esprit de Dieu planait sur la face des eaux
).
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1. Classification des eaux que l'on retrouve par exemple dans le récit de la destruction par le déluge (Genèse 6-9) : les eaux du déluge vinrent sur la terre... en ce jour-là toutes les sources du grand abîme jaillirent, et les écluses du ciel s'ouvrirent. Il y eut de la pluie sur la terre...
(7.10-12) ; les sources de l'abîme et les écluses du ciel furent fermées, et la pluie cessa de tomber
(8.2).
2. Amos use de ce procédé pour souligner que des crimes méritent amplement le châtiment : Ainsi parle l'Eternel : A cause de trois crimes de Damas [1.3 ; de Gaza 1.6 ; de Tyr 1.9 ; d'Edom 1.11 ; des Ammonites 1.13 ; de Moab 2.1 ; de Juda 2.4 ; d'Israël 2.6], même de quatre, je ne révoque pas mon arrêt...
On peut encore souligner dans cette énumération de peuples la mise en lumière du dernier : la liste ne s'arrête pas au septième, Judas ; avec Judas en fin de septainaire, Amos induit chez son lecteur un soupir de soulagement... avant de le secouer par l'inattendu, le débordement de la série, la dénonciation d'un huitième, Israël. La mise en évidence du comble, du summum, est renforcée par ce procédé du prophète, qui commence par le jugement des voisins les plus éloignés - et à la condamnation facile à accepter ! - puis se rapproche progressivement du coeur de sa cible, son auditoire et ses lecteurs, Israël.
3. Proverbes 30.15 ''... Trois choses sont insatiables, quatre ne disent jamais : Assez !'' ; 30.18 ''Il y a trois choses qui sont au-dessus de ma portée, même quatre que je ne connais pas...'' ; etc.
4. Cf. Paul BEAUCHAMP, Création et séparation, Etude exégétique du chapitre premier de la Genèse (Lectio Divina ; Paris : Les éditions du Cerf, 1969, 2005), p. 68.