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Précis du christianisme
Cette page est un bref complément aux annexes Lettre ouverte
et Protestantismes
.
But de ce bref article : vous permettre de situer un protestant évangélique sur l'échiquier du christianisme.
Protestant
À gros traits, les Églises catholiques, orthodoxes et protestantes d'aujourd'hui sont issues, du moins pour partie, de désaccords théologiques qui ont marqué l'histoire.
Question de vocabulaire. Avant de résumer ces temps forts, j'attire votre attention sur le fait que ces désignations, catholique, orthodoxe et protestant, traduisent toutes une volonté de fidélité à l'enseignement de Jésus et de ses apôtres. Si l'Église de l'empire romain d'Orient s'est dite orthodoxe - de droite opinion -, ce n'est pas pour renoncer à la catholicité de l'Église, mais pour s'opposer à ce qu'elle considère une hérésie romaine[n1] ; si l'Église de l'empire romain d'Occident s'est affirmée catholique - universelle -, ce n'est pas pour renoncer à l'orthodoxie mais, au contraire, pour souligner que la plénitude de la tradition a été reçue par elle. De même, c'est par soucis de fidélité aux origines de l'Église, par intérêt pour son universalité et pour son orthodoxie, que les protestants en ont voulu la réforme, tout comme certains se lanceront plus tard dans la défense de points fondamentaux du christianisme, ce qui leur vaudra le qualificatif, aujourd'hui péjoratif, de fondamentalistes...
Schéma d'une histoire complexe
À partir de | Distinctions | ||
30 | Dès sa naissance, l'Église voit la bonne doctrine confrontée à de mauvaises et s'applique à combattre les hérésies par des conciles, des confessions de foi, etc.[n2]. Malgré la partition de l'Empire romain en 395, avec d'un côté l'empire romain d'Orient, grec, centré à Constantinople, et de l'autre l'empire romain d'Occident, latin, centré à Rome, les Églises d'Orient et d'Occident ne se séparèrent pas avant 1054. |
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1054 | Branche orientale | Branche occidentale À la fin du XVe siècle, l'Europe est prête à des réformes : les princes ont acquis une certaine liberté par rapport à la papauté ; les érudits ont remis à l'honneur l'étude du grec et de l'hébreu ; l'imprimerie apparaît vers 1450 et va notamment permettre de diffuser la Bible et les écrits des réformateurs - on fait souvent débuter la Réforme avec l'affichage des 95 thèses de Luther le 31 octobre 1517 sur la porte de l’église du château de Wittemberg. |
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1517 | Branche orthodoxe orientale | Branche catholique romaine | Branche protestante |
Évangélique
Comme vous pouvez le constater dans les articles déjà publiés sur le site, je me situe dans la branche protestante et suis attaché aux principes de la Réforme : l'Écriture seule, le Christ seul, la grâce seule, la foi seule, à Dieu seul la gloire. Voir l'article Vue sur Rome
- à lire ici - dont est extrait le tableau suivant :
Le Oui de l'évangélisme | Les Oui et Non du catholicisme romain |
L'Écriture seule | À L'Écriture sont ajoutées l'autorité de la tradition et celle de l'enseignement du magistère |
Le Christ seul | Au Christ est ajoutée l'Église comme une extension de l'incarnation |
La grâce seule | À la grâce est ajoutée la nécessité de bénéfices qui proviennent de l'office sacramentel de l'Église |
La foi seule | À la foi est ajoutée la nécessité des bonnes actions pour le salut |
À Dieu seul la gloire | À la célébration de Dieu est ajoutée la vénération d'une foule d'autres figures qui détournent du culte au seul vrai Dieu. |
On notera qu'au commencement, le protestantisme se veut un retour à l'Évangile ; d'où le vocabulaire désignant initialement un protestant, une personne gagnée à la Réforme : c'est un réformé ou un évangélique, Evangelisch en Allemagne, evangelical en Grande-Bretagne (même si la désignation la plus fréquente y est alors gospeller)[n3].
Mais une autre théologie, que l'on peut déjà repérer au XVIe siècle (avec Socin), s'installera finalement au XVIIIe siècle dans les chaires des Églises protestantes, une théologie hétérodoxe peu soucieuse de fidélité aux confessions de foi ou aux doctrines évangéliques parfois conservées dans leurs statuts. Cette théologie, qui compta Friedrich Schleiermacher (1768-1834) parmi ses figures de proue, sera dite libérale, notamment par Alois Emmanuel Biedermann en 1851. En réaction à cette prédication moderniste, ouverte à tous vents de doctrine[n4], deux réponses peuvent être soulignées :
- la théologie néo-orthodoxe d'un Karl Barth (1886–1968), par exemple, en opposition à la théologie libérale, mais sans faire retour à l'orthodoxie calviniste[n5] ;
- la défense orthodoxe des pasteurs refusant d'abandonner la prédication de l'Évangile[n6], d'où le choix du vocabulaire pour les désigner : ce sont les évangéliques en milieu francophone, les evangelicals en milieu anglophone et les Evangelikalen en milieu germanophone (le mot Evangelisch continue de désigner un protestant)[n7].
T.P., 1er septembre 2020
revu le 9 décembre 2021
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1. L'Église d'Orient considère que le Saint-Esprit procède du Père seulement, celle d'Occident qu'Il procède du Père et du Fils.
2. Voir l'article Les premiers schismes au sein du christianisme
sur le site Musée protestant
, à retrouver ici.
3. Pour résumer une longue histoire, Iain H. MURRAY cite Tyndale (EVANGELION (that we call the gospel) is a Greek word; and signifieth good, merry, glad and joyful tidings, that maketh a man's heart glad, and maketh him sing, dance and leap for joy...
) et il poursuit : So William Tyndale wrote in 1525, and at the same period all who so thought became described as 'gospellers' or, less commonly, as 'evangelicals'. Over two hundred years later it was the latter term that was to pass into more permanent usage at the time of the 'Evangelical Revival'. That it did not do so earlier is largely due to the fact that all the churches of the Reformation were 'of the gospel' in their creeds and confessions. By the eighteenth century, however, while the profession of the national churches in England and Scotland remained orthodox there were many pulpits from which no gospel was heard and when the evangel was recovered a term was necessary to distinguish its preachers from others: they were the 'evangelicals'.
(in Evangelicalism Divided, A Record of Crucial Change in the Years 1950 to 2000 (Edinburgh, U.K ; Carlisle, U.S.A : The Banner of Truth Trust, 2000, reprinted in 2012), p. 1).
4. Cf. le petit inventaire d'André GOUNELLE, lui-même libéral, dans l'article Le protestantisme libéral
(CAHIER EVANGILE ET LIBERTE N° 134 Octobre 1994) en ligne ici : L'étiquette libéralisme, est vague, peu précise. Dans le langage courant, elle recouvre quantité de marchandises, pas toutes de bon aloi. (...) Je m'en tiendrai au protestantisme libéral. Il est lui-même difficile à définir à cause de sa diversité. Chez les protestants libéraux, on trouve des positions parfois très différentes, qui vont du rationalisme au mysticisme, ou de l'ésotérisme à l'agnosticisme, du symbolo-fidéisme à l'existentialisme, de l'intellectualisme au sentimentalisme.
5. Cornelius VAN TIL, Christianity and Barthianism (Phillipsburg, New Jersey : Presbyterian and Reformed Publ. Co., 1962), XIII pp., 494 pp.
6. Il faut ici éviter l'image d'Épinal, car la diversité évangélique d'hier et d'aujourd'hui témoigne d'une réalité complexe et de désaccords parfois profonds. À titre d'exemples, je conseille ces deux livres de Iain H. MURRAY :
- Revival & Revivalism, The Making and Marring of American Evangelicalism 1750-1858 (Edinburgh, U.K ; Carlisle, U.S.A : The Banner of Truth Trust, 1994, reprinted in 2009), XXII pp. 455 pp.
- Evangelicalism Divided, A Record of Crucial Change in the Years 1950 to 2000 (Edinburgh, U.K ; Carlisle, U.S.A : The Banner of Truth Trust, 2000, reprinted in 2012), X pp. 342 pp.
7. Cette distinction de vocabulaire Evangelisch-Evangelikal peut prêter à confusion dans sa traduction par le même mot. En français, par exemple, si vous trouvez la désignation un protestant évangélique
, vous pouvez comprendre qu'il ne s'agit pas d'un protestant libéral ou néo-orthodoxe. Par contre, si vous trouvez la désignation une Église évangélique luthérienne
, un temps de réflexion s'impose : s'agit-il d'une Église protestante (evangelisch) (par rapport à catholique) luthérienne (par rapport à calviniste ou autre) ? ou s'agit-il d'une Église luthérienne évangélique (evangelikal) (par rapport à libérale) ?