Il est ressuscité... Voir l'article flèche à cliquer

Étude > Genèse I > L'éclairage de l'Exode

L'éclairage de l'Exode

C'est au cours de l'Exode hors d'Egypte que la semaine du Créateur a été présentée comme modèle, comme fondement du rythme de vie du peuple de l'Alliance. Ainsi, en Exode 20.8-11, Moïse établit un rapport étroit entre les sabbats d'Israël et le sabbat du Créateur en Genèse 2 :

A- Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier.

B- Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le
sabbat de l'Eternel ton Dieu :

C- tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ta servante, ni ton
bétail, ni l'étranger qui réside chez toi.

B'- Car en six jours l'Eternel a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qui s'y trouve et il
s'est reposé le septième jour :

A'- c'est pourquoi l'Eternel a béni le jour du sabbat et l'a sanctifié.

Moïse et ses textes

Comme on peut le voir en ce parallèle d'Exode 20, Moïse souligne la nécessité du repos hebdomadaire après l'ouvrage. Mais il ne commente pas ici son premier récit, ce qu'il fait un peu plus loin, en Exode 31.12-17. Là, il présente Dieu en travailleur qui a terminé sa semaine et peut désormais souffler le jour férié ; il présente Dieu avec un souffle humain (nâphâch) : car en six jours l'Eternel a fait les cieux et la terre, et le septième jour il a cessé son oeuvre et il s'est reposé. Par ailleurs, quelque temps plus tard, alors qu'il prépare sa succession et le renouvellement de l'alliance qui devra avoir lieu, il abandonne sa référence au repos créationnel comme fondement des sabbats d'Israël en lui substituant un autre repos, celui de la libération d'Israël de l'esclavage en Egypte : le jour de repos sera en Israël un droit pour tous, insiste-t-il en Deutéronome 5.12-15, rappelant l'intolérable condition d'exploitation à ne pas reproduire, afin que ton serviteur et ta servante se reposent comme toi.

Ces rapports de Moïse à son récit de création devraient interpeller tout lecteur sur sa propre approche du récit. L'image d'un Créateur qui a besoin de souffler après l'ouvrage invite à réfléchir sur la perspective. Plus même, la liberté de choix quant au fondement des sabbats d'Israël souligne la priorité donnée au fond commun des deux motifs - la bonté du repos après l'ouvrage - sur leurs expressions particulières[n1].

Parallèle

Comme l'indique le rapprochement des propos de Genèse 1 et d'Exode 20 ou 31, Moïse rapporte l'ensemble de l'oeuvre de création aux six jours de son premier récit :

  • 20.11 : Car en six jours l'Eternel a fait les cieux, la terre, la mer et tout ce qui s'y trouve et il s'est reposé le septième jour ;
  • 31.17 : car en six jours l'Eternel a fait les cieux et la terre, et le septième jour il a cessé son oeuvre et il s'est reposé.

Or, s'il conçoit son propos sur les sabbats d'Israël en accord avec son récit de Genèse 1, c'est avec un texte où, de manière structurée, il a inscrit au verset 1.3 le début de l'oeuvre des six jours, le début lumineux du jour un de la semaine - cf. § "Contexte étroit : Architecture mesurée ou § Un cadre numérique -.

En effet, c'est en commençant par le matin et non par le soir que l'on comptabilise communément les jours dans la Bible[n2], et ce dès le premier ! En débutant la série des six jours en 1.3 avec la création de la lumière appelée jour, Moïse souligne que le travail de chaque journée s'achève le soir avec la nuit qui complète le cycle journalier jusqu'au matin, l'aube du jour suivant[n3]. Avec leur mention finale il y eut un soir et il y eut un matin, les journées d'activité de Dieu sont ainsi calquées sur celles d'un homme, créature diurne, s'arrêtant le soir pour reprendre le lendemain matin (psaume 104.21-22).

Une remarque s'impose alors sur le septième jour de la Genèse. Contrairement aux six premiers jours, le septième, qui parle de la cessation de l'activité créatrice de Dieu, n'est pas achevé par une nuit : il n'a ni soir ni lendemain matin. Or, si une lecture littéraliste peut insister sur le passé du propos, sur le fait que Dieu se reposa ce jour-là, pour en tirer la pensée de jours suivants, elle gomme l'absence manifeste en cette fin de récit, d'un lendemain, d'une reprise d'activité, et même d'une fin de la journée ; absence d'une mention du soir et du matin d'autant plus soulignée que le schéma littéraire 6 + 1, en présentant une série d'éléments complète, structure et contient un récit achevé : le propos de la première tablette est clos... en pleine lumière du jour, d'un jour sans fin.

Conclusions

Compte tenu des observations précédentes, certaines lectures de Genèse 1.1-2.3 se trouvent en difficulté à l'occasion de cette mise en relation des semaines d'Israël et de celle de Dieu :

La thèse de six jours de visions. Le parallèle se joue sur le registre du faire et non du faire voir : le besoin de récupérer peut se comprendre après un labeur, pas vraiment après une discussion entre amis !

La thèse de six jours de restitution. Avec le caractère englobant du descriptif des oeuvres faites en six jours (les cieux, la terre, la mer et tout ce qui s'y trouve), il est bien difficile de trouver en ces passages de l'Exode un faire qui convienne à la thèse restitutionniste classique : un faire voir est déjà hors jeu ; un refaire trouble sa distinction en Genèse 1 entre les cieux (1.1) préservés et la terre (1.2) détériorée.

Les thèses considérant Genèse 1.2 comme descriptif de la terre créée et la succession des jours comme déroulement chronologique réel. Ainsi,

  • les thèses qui découvrent en 1.2 le résultat de la création survenue en 1.1, puis voient s'enchaîner six périodes consécutives où Dieu crée son oeuvre - jours ordinaires selon la lecture traditionnelle, jours figurant des ères selon la lecture dite concordiste - ;
  • les thèses qui distinguent bien la terre inhabitable de Genèse 1.2 de l'annonce au verset 1.1 de la création du cosmos dans sa perfection, mais qui y voient la terre créée avant l'intervention de Dieu durant six jours de suite[n4].

Quand Moïse dit, dans le livre de l'Exode, que Dieu a tout fait en six jours, c'est en cohérence avec son texte de Genèse 1, où il fixe le début de la semaine en 1.3, après l'évocation en 1.2 d'une situation initiale, antérieure. Or, une fois reconnue cette inscription précise du début des six jours en 1.3, prendre la première tablette de la Genèse pour un descriptif chronologique de ce qui s'est passé, en lien avec les énoncés d'Exode 20.11 ou 31.17, c'est être amené à conclure que la situation primitive, antérieure à 1.3, ne fait pas partie des réalités faites en six jours, qu'elle leur préexistait. Le début de la semaine en 1.3 pris en compte, l'affirmation qu'en six jours l'Eternel a fait les cieux, la terre... et s'est reposé le septième jour (Exode 20.11) de tout l'ouvrage qu'il avait fait par mode de création (Genèse 2.3) ne peut être tenue qu'en soutenant qu'au commencement, [ou qu'avant le début des six jours en 1.3,] Dieu créa... la terre... vague et vide... (Genèse 1.1-2) et ne la fit pas par mode de création ! Fantastique contradiction, qui permet de souligner que la découverte d'une première oeuvre créée en 1.2 suivie d'une lecture littéraliste des données chronologiques du récit ne s'accorde pas à la perspective de Moïse.

_______
1. Henri BLOCHER, op. cit., p. 41 ; voir son exposé, ainsi conclu : Tout compte fait, nous estimons donc qu'Exode 20.11 réclame, pour que tienne sa logique, seulement ceci : le déploiement de la création doit pouvoir servir d'archétype au travail de l'homme suivi de son repos ; il n'est pas exclu que les jours soient une figure anthropomorphique, pour ce déploiement. Le débat reste ouvert.

2. Umberto CASSUTO, A commentary on the Book of Genesis, Part I : From Adam to Noah, Genesis I-VI 8 trad. Israel Abrahams (Jerusalem : The Magnes Press, The Hebrew University, 1998), pp. 28s. Il cite notamment les passages suivants :
- soir et lendemain matin : Genèse 19.33-34 ; Juges 6.38 ; 21.2-4 ; 1 Samuel 19.11 ; 28.19-20 ;
- soir du jour précédant le jour de fête : Exode 12.18 ; Lévitique 23.32.
Malheureusement, il ne l'a pas observé lui-même en ce récit qu'il divise en sept paragraphes après le verset 1er (p. 13).

3. Umberto CASSUTO, op. cit., p. 28 ; Edward J. YOUNG, Studies in Genesis One (Phillipsburg, New Jersey : P & R Publishing, sans date [1e édition en 1964]), pp. 89, 96.

4. Par exemple, Edward J. YOUNG, Studies in Genesis One (Phillipsburg, New Jersey : P & R Publishing, sans date [1e édition en 1964]), p. 7 : In this detailed account, however, there is no explicit statement of the creation of the primeval material from which the universe we know was formed. (...) It has already been stated that we are not told how long the three-fold condition described in verse two had been in existence before God said, "Let there be light" (...) Verse two then states the condition of the earth as it was when created and until God began to form from it the present world.

Tags: étudeexégèsebibliquegenèseexodejourtravailsabbat