Nous avons déjà abordé l'étude du verbe בָּרָא (créer) - cf. Dieu créa -. Reste à souligner l'accord théologique des deux tablettes sur son emploi. C'est aussi l'occasion d'aborder une objection à la thèse d'un titre-annonce en ouverture de la tablette[n1] : N'y aurait-il pas contradiction entre les versets 1.1 et 1.2 si le verset 1.1 est une annonce que Dieu a créé la terre alors que celle-ci préexiste (verset 1.2) à son début d'activité (verset 1.3) ?

Contradiction il y aurait peut-être si la présentation d'un acte global de création (sans évocation de matériau) était incompatible avec celle d'un processus artisanal (à partir d'un matériau initial). Or la lecture tenant le premier verset de la Genèse pour un titre-annonce observe la compatibilité exprimée par l'auteur entre ses deux formulations de l'oeuvre divine : celle du Dieu créateur d'une oeuvre (1.1) et celle du Dieu artisan agissant (1.3ss) sur un matériau (1.2). En effet, la perspective de l'artisanat, bien présente dans la première tablette, apparaît encore dans la deuxième avec l'homme formé de la poussière du sol (2.7), les animaux des champs et les oiseaux formés du sol (2.19), la femme formée du côté de l'homme (2.22). Une perspective qui n'exclut pas, pour ces mêmes oeuvres, l'emploi du verbe créer : Dieu créa l'homme en son image, en l'image de Dieu Il le créa, mâle et femelle Il les créa (1.27), Dieu créa... tous les oiseaux ailés selon leur sorte (1.21). Un bel accord des deux tablettes sur le plan théologique.

Il n'y a donc aucune difficulté à lire en 1.1 que Dieu créa les cieux et la terre, sans qu'il soit fait référence à un éventuel matériau, puis de voir la narration explicative (1.2-2.3) commencer par faire état d'un matériau primitif qui entrera dans l'oeuvre créée (1.2), juste avant l'exposé de la mise en oeuvre (1.3).