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Étude > Genèse I > Esprit

l'esprit de dieu

Comme la majorité des mots de nos dictionnaires, les mots hébreux רוּחַ (rûah) comme אֱלֹהִים (élohim) ont divers sens et emplois. Ainsi, selon le contexte, rûah pourra par exemple désigner un vent, un souffle, un esprit. De son côté, élohim pourra désigner un dieu, des dieux, mais aussi des puissants, rois, juges, anges, ou encore exprimer un superlatif.

Quelques exégètes ont préféré rendre le mot רוּחַ (rûah) par "vent" plutôt que par "souffle" ou "esprit" dans leur traduction de Genèse 1.2[n1]. Avec pour principal motif le rapprochement avec d'autres textes : par exemple, celui de Genèse 8.1, où Dieu fait passer un vent sur la terre pour apaiser les eaux et mettre fin au déluge ; ou celui de l'Enuma elish, où Marduk se sert des vents pour mettre à mort Tiamat (la Mère-Abîme), la coupant en deux, tel un poisson séché, et donnant ainsi naissance à la terre et au ciel.

Tout d'abord, il convient de souligner l'écart entre la première tablette de la Genèse et l'épopée babylonienne, sans même parler de l'expression mythologique de l'une et le vocabulaire non (voire anti-) mythologique de l'autre. Dans l'Enuma elish, les vents sont des instruments de mort, des armes qu'emploie Marduk dans sa lutte contre Tiamat ; dans la Genèse, nulle trace de lutte et nulle autre volonté que de Dieu seul. Par ailleurs, l'idée de séparation, de distinction, n'apparaît pas liée au mouvement de la רוּחַ dans la Genèse ; la séparation y est portée par la parole de commandement à partir de 1.3, en rupture précisément avec la situation apparemment calme du verset 1.2. Ce descriptif d'avant "mise en oeuvre" - en vis-à-vis de la situation d'arrêt d'activité en 2.2-3 (cf. Un cadre numérique) - plaiderait plutôt pour un rapprochement avec Genèse 8.1 et le rôle pacificateur du vent sur les eaux du déluge. Mais de la correspondance à l'identité de vue, il y a encore une marge.

Nous suivons Henri Blocher pour qui cette interprétation, minoritaire, a perdu tout droit de cité depuis les réfutations en règle de Young et de Beauchamp[n2]. Sans pouvoir reprendre ici l'étude de ces auteurs, nous retiendrons que cette lecture se heurte particulièrement[n3]

  1. à la référence au sacré de l'expression רוּחַ אֱלֹהִים. En effet, rien en ce texte n'invite le lecteur à écarter de manière exceptionnelle la référence au souffle ou à l'Esprit de Dieu et à tenir la référence à Dieu (אֱלֹהִים) pour un simple superlatif. Avec un auteur aussi précis dans son vocabulaire, l'exclusion d'un langage classique pour une tempête ou un grand vent (cf. Jonas 1.4) est significatif, comme l'est son choix du mot אֱלֹהִים, or aucun indice ne suggère de variation d'emploi de ce mot entre 1.1 et 1.3.
  2. au mouvement de l'Esprit au-dessus des eaux, celui de l'oiseau survolant ses petits (cf. Deutéronome 32.11), un mouvement de branle sans rapport avec un tourbillon de tempête. Il apparaît de nouveau pour l'Esprit lors du baptême de Jésus, à l'aube d'une nouvelle création : les cieux s'ouvrirent, il vit l'Esprit descendre comme une colombe et venir vers lui (Matthieu 3.16).

La traduction classique Esprit de Dieu liée à la métaphore aviaire fait par ailleurs sens dans l'élaboration de la semaine de création (cf. 6 = 4 + 2 : Inanimé - Animé ; 4 = 3 + 1 : L'inanimé).

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1. Ainsi, La Bible de Jérusalem (Paris : Cerf, 1973, édit. revue de 1984) traduit la fin du verset 1.2 par un vent de Dieu tournoyait sur les eaux et précise en note qu'il ne sagit pas ici de l'Esprit de Dieu et de son rôle dans la création.

2. Henri BLOCHER, Révélation des Origines, Le début de la Genèse (Collection théologique Hokhma ; Lausanne (Suisse) : Presses Bibliques Universitaires, 1979), p. 61.

3. Pour approfondir, cf. Henri BLOCHER, op. cit., pp. 61s ; Paul Beauchamp, Création et séparation, Etude exégétique du chapitre premier de la Genèse (Lectio Divina ; Paris : Les éditions du Cerf, 1969, 2005), pp. 168-186 ; Edward J. Young, Studies in Genesis One (Phillipsburg, New Jersey : P & R Publishing, sans date [1e édition en 1964]), pp. 36-42.

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